CDM MMXVIII
texte/photo/code : Gophrette Power
J’avais ce projet en tête depuis longtemps. À savoir, associer la photographie et la programmation avec comme thème : la Course des Morts. Pour ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit, je vous propose ces liens CDM MMXIV et CDM MMXV pour avoir plus de détails sur cette course de vélo non-sanctionnée.
Mais pourquoi associer la photographie et la programmation?
La réponse à cette question nécessite un petit retour dans le temps, entres les années 2000/2005. C’était le gros boum de l’internet et je travaillais avec un collectif de créateurs numériques qui portait le doux nom de KRASHTEST. Nous étions basés à Montpellier, dans le sud de la France et notre terrain de jeu était les écrans d’ordinateurs et la toile.
À cette période, j’étais focus sur Macromédia Director et son langage de programmation Lingo qui servait à créer des jeux et des interfaces interactives sur tout ce qui pouvait contenir des data comme des pupitres de présentations ou des CD-ROM. Ce dernier était très en vogue à l’époque. Cela permettait aux artistes de pousser un peu plus loin le côté visuel de leurs projets musicaux en y ajoutant des interfaces interactives lisibles sur ordinateur. Director était donc le top du top pour ce type de travail. Il ouvrait de nouvelles possibilitées de travail narratif en s'appuyant sur le stockage des acteurs dans une Distribution (cast), de leur utilisation sur une Scène (stage) et inclus au Scénario (score), notamment accompagnés de Scripts rédigés en LINGO qui était très simple à comprendre. Mais l’arrivée de l’internet à haut débit à progressivement fait basculé la vapeur vers son successeur, le fabuleux Flash.
Le logiciel Macromédia Flash et son langage de programmation ActionScript, utilisait le même principe que son grand frère. Une scène, un scénario, des acteurs, des strips avec quelques nouveautés comme des imbrications infinies dans des movie-clips et quelques petits plus comme des appels extérieurs à l’application vers des bases de données, des fichiers PHP et autres XML… Ce qui rendait le tout dynamique. Bref, vous l’avez bien compris, tout cela nous passionnait fortement et nous permettait de publier à peu près tout et n’importe quoi de graphique et sonore sur la toile. Donc très excitant, c’était la bombe du moment. Notre petit WarGames à nous.
Mes recherches visuelles étaient fortement influencées par mon environnement musical du moment. Je dévorais des oreilles absolument tout ce qui sortait de chez Warp, Thrill Jockey, n5MD, Merck Records. Et pour le côté image, tout ce que la génération d’artistes numériques en pleine émergence publiait sur la toile régulièrement comme Büro Destruct, Designer Shock (2000), 2Advanced Studio (2002), Aeriform Viscom (2003), ISO50, Les Chinois (2002), The Design Chapel (2002), The Horus Project (2003) et beaucoup d’autres projets qui ont été archivé en vidéo dans le Web Design Museum, car le Adobe Flash Player est de moins en moins utilisé sur le web.
Mais revenons dans le vif du sujet. L'association de la CDM et la programmation. C’est à cause de SERVOVALVE, un artiste multimédia (musicien/vidéaste/programmeur/concepteur…) tout droit sorti de cette nouvelle mouvance d’explorateurs numériques qui prenait un malin plaisir à repousser les limites du politiquement correct via ses oeuvres pixelisées. Il publiait régulièrement de petites animations sur son site web aux ambiances sombres, graphiques minimalistes rythmées à des sons percutants. Elles avaient un effet hypnotique sur mon cerveau. Mais c’est définitivement le projet Le Sixième Doigt qui a attiré le plus mon attention et a suscité ma curiosité envers le logiciel Director. Il s’agissait d’un album publié sur CD-ROM qui regroupait huit créations musicales mais également une partie interactive intitulée "Irregularmix". Cette partie contenait un lecteur pour PC/Mac capable de jouer 4096 mélanges différents et aléatoires de la chanson "Irregularities". Des échantillons et des séquences audio interagissaient et créaient à chaque fois un résultat différent et surprenant. "Irregularmix" est un exemple du concept infini de CD sur lequel SERVOVALVE travaillait. Cette album est encore disponible via la plateform BandCamp, dont la version numérique contient "Neurasthenic Cellar Diva", un titre inédit.
J’ai donc tenté de recréer une de ses animations pour illustrer les 106 portraits des cyclistes fait au check-point du Parc de la Petite Italie durant la CDM MMXVIII. Mais comme Director n’existe plus aujourd’hui, j’ai du utiliser un autre langage de programmation. Le p5.js qui est une librairie JavaScript pour le codage créatif.
Mon animation se résume par la présence de 40 pixels en mouvement aléatoire qui à chacun de leur pas révèlent la valeur colorimétrique d’un portrait lui aussi choisi aléatoirement au lancement du programme. Une minuterie est symbolisé par une barre rouge qui progresse verticalement sur la partie gauche de l’animation et qui une fois qu’elle atteint le bas de cette dernière, relance le programme avec un autre portrait choisi au hasard (Il est également possible de cliquer sur l’image pour la relancer). Même si le choix du portrait s’avère être le même que précédemment, il est que très peu probable qu’il se révèle de la même façon.
Vous pouvez aussi retrouver les 106 portraits mémorisés au format .jpg à cette adresse : https://photos.app.goo.gl/fdkeXCKviDvG3cCc6